Visite de courtoisie à la Louise

Emi Louise

L'intonation et ses mots si limpides la choquent au point que ses lèvres s'entrouvrent d'étonnement et ses yeux attendent une éventuelle suite du même acabit. Le silence, les craquements osseux rendent l'attente plus longue encore. Cannonball a réussi son effet.
Puis ce qui semble être la normale reprend le dessus. Son regard se plisse, piqué par ce retour en arrière.
Elle tend sa main droite vers son voisin de banquette, la curiosité mettant de coté les doutes.

"D'accord. J'accepte votre aide."

Ernest Giacomazzi · Mort Hors ligne Inscrit le: 13 Juin 2010 Messages: 130

Faut que j'aille taffer.

Volontairement ou non, il ne lui sert pas la main. Il se dirige vers la sortie, et, dans l'embrasure de la porte, les yeux rivés sur les ampoules grimpantes, les lampes à huile, il souffle.

Un très joli macchabée dans une belle robe de mariée.

Parle t-il de la ville ou d'Emi ? Le monstre se retourne, fait jouer ses ongles tout contre le fer des lamelles coulissantes.

Y'a t-il queq' chose à foutre de solide icigo, ou faut t-il jouer la momine en f'sant l'manège jusqu'ô la brunette des temps ?

Par exemp'. L'syndicôt d'la poussière. Raconte un peu.

Tutoiement. Le bout d'une de ses boots renforcées suit le rythme de ses doigts. Tout contre le sol, en écho métallique, on dirait que l'on pile du grain.

Emi Louise

Sa main blanche reste suspendue dans le vide, aussi déboussolée que sa propriétaire. Elle se redresse, et se lève pour faire quelques pas vers la source de sa colère naissante. Le tutoiement est assimilé.

"Tu ne veux même pas savoir ce que je compte faire ?"

Son épaule s'appuie contre la paroi, elle a du se lever trop vite. Sa voix s'affaiblit en conséquence.

"Les choses solides à faire, c'est pas dans mon wagon que tu en trouveras. Je n'ai rien à te faire gagner de concret. Pas de chevaux, d'arc, pas de remède à tes problèmes. En ce qui concerne le Syndicat, viens ce matin à 7h là bas. Je te montrerai ce que tu voudras bien voir. Eugène n'est pas disponible en ce moment et c'est lui qui le gère. En attendant, tu es le bienvenu."

Ernest Giacomazzi · Mort Hors ligne Inscrit le: 13 Juin 2010 Messages: 130

J'en ai rien à carrer de "gagner" quequ' chose. Les arcs c'est pour...

Les tanches ? On va éviter...

... T'as bien senti qu'mes pognes sont pas faîtes pour m'met une plume dans l'derche et faire le canaque.

Il soupire. Avant de se marrer.

Et il n'y a point d'remède cont' l'amour...beuhahahahahahah !

Il étend sa main non possédée par la danse de saint gui pour appuyer son doigt contre l'épaule de la jeune femme.

C'est à toi d'me l'montrer, c'que tu comptes traficoter.

Dans l'pestac', j'suis pas au jus qu'faut avocasser pendant trois plombes pour sortir queq' chose de michto. Ou on a pas été biberonné dans l'même bahut, alors...

Emi Louise

Elle offre une résistance à la poussée qu'occasionne le doigt pointé contre son épaule. Un jeu un peu idiot, auquel elle se prête volontiers.

"Alors, je ne sais pas ce que tu attends si tu n'es rien venu gagné. La plupart des personnes ici viennent pour çà. Et repartent avec çà. Du solide."

Elle marque une pause et retire son air de défi.

"Si tu veux, après l'atelier, j'irai rendre visite à Abred, au wagon médical. Voir si il a besoin d'une aide quelconque et aveugle. Si tu es aussi fort que tu le dis, tu pourrais l'aider à porter quelques personnes trop affaiblies. Et pour le pestacle... comme tu dis... J'ai bien peur que tes bras ne t'aident en rien. Il va falloir donner de ta personne d'une autre façon. Je laisse tomber la partie décors, pour laisser place à l'imagination."

Ernest Giacomazzi · Mort Hors ligne Inscrit le: 13 Juin 2010 Messages: 130

L'Irish Coffee hein ? C't'un bon poto d'bigophone, pour sûr. L'biniou a fait office de zizike machabéenne quand on roupillait pas loin d'la téci et qu'la marquise canait à p'tit feu. On esgourdait çô à travers les grilles des morts.

Arrêtant la musique de ses doigts et de ses pieds, il ajuste la robe de chambre de la jeune femme en faisant comme ci il en enlevait les plis.

A gros bras, grosse chienlit, hein ?

C'est lô qu'tu t'gourres. J'ai une maîtrise d'lô grime des Gugusse. L'maquillage, s'tu préfères. L'gaunineur d'ces Messieurs et d'ces Mesdames.

Puis lui relève le menton légèrement, pour mieux observer son visage.

Et pour sûr qu'j'ai boulotté sur des ganaches qui avaient pô la gueule des anges du paradis et qui mutaient, l'espace d'une brune, leur bifteck pour qu'çô côtoie la fleur d'beauté du tapis bleu du terrible. Ou qu'ça soit si monstre' qu'on aurait dit des agents du boulanger qui met les âmes au four...

Emi Louise

La brune se laisse pomponner la robe, comme une enfant. Même la mine fatiguée, ses fossettes se creusent dans un sourire.

"Maquilleur ? J'ai peur de te décevoir aussi. Si tu me laisses encore dormir un peu, on en discutera tout à l'heure à l'atelier. Il y aura surement Marcel... Tu connais aussi Marcel ?"

Ernest Giacomazzi · Mort Hors ligne Inscrit le: 13 Juin 2010 Messages: 130

Et pô seulement...

Il lui reprend la main, lui caresse le bout des ongles de son gros pouce boudiné puis la relâche, en descendant du wagon.

Repose toi bien.

A toute !

Emi Louise

Alors qu'Ernest s'en va, avec au moins autant d'énergie qu'en arrivant, Emi repense à cette conversation qui se perd déjà dans les limbes de sa somnolence. Une phrase revient, froide comme la feuille du boucher.

Un très joli macchabée dans une belle robe de mariée.

Il serait maquilleur de cadavres que ça ne l'étonnerait pas.